08/11/2024 arretsurinfo.ch  22min #260357

« Tout le monde (nous comprenons) n'est pas prêt à accepter le cours naturel des choses »

Allocution de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, lors du forum international de science-fiction Créer l'avenir, Moscou, 4 novembre 2024

Chers collègues et amis,

C'est un plaisir d'assister à ce nouveau projet visant à rapprocher au maximum les peuples, à rechercher des dénominateurs communs et à élaborer des recommandations qui aideront l'humanité tout entière à vivre selon les préceptes légués par les ancêtres de chaque peuple et nationalité.

Dans cette optique, la plateforme du Centre national Russie, créée à l'initiative du Président Vladimir Poutine, doit contribuer à la consolidation du potentiel socio-économique, scientifique, technologique et culturel de la Russie, en vue d'accélérer son développement progressif et de promouvoir notre expérience, nos traditions et nos idéaux dans le dialogue avec la communauté internationale qui, je l'espère, sera lancé aujourd'hui.

Nous nous réunissons le 4 novembre, Jour de l'Unité nationale, fête nationale dédiée à l'exploit des forces de la milice populaire. Il y a exactement 412 ans, sous la direction de Kouzma Minine et Dmitri Pojarski, ils ont libéré Moscou des envahisseurs polonais et de leurs complices. Cette page brillante de l'histoire est un exemple de ce qu'un peuple uni pour un objectif commun peut accomplir.

Le thème de l'une des sessions de notre forum, annoncé par Dimitri Simes, l'avenir du monde multipolaire, reflète pleinement la nature des discussions qui se déroulent dans les milieux scientifiques, d'experts et politiques en Russie et à l'étranger. Il est difficile d'imaginer aujourd'hui qu'au début des années 1990, beaucoup pensaient que la « fin de l'histoire » était arrivée et que l'unipolarité s'était installée pour toujours. Une Pax Americana globale, où toutes les affaires dans n'importe quelle partie du monde devaient être sous la « surveillance » de Washington. C'est précisément à cette période que l'éminent homme d'État Evgueni Primakov a formulé et commencé à promouvoir le concept innovant de la multipolarité.

Peu de partenaires étrangers (pour être honnête, même dans notre pays) étaient prêts à y souscrire et à le prendre au sérieux. Cependant, nos amis chinois ont partagé les idées de d'Evgueni Primakov. En 1997, une Déclaration conjointe sur le monde multipolaire et la formation d'un nouvel ordre international a été signée. C'était le premier document de politique étrangère sur ce sujet dans l'histoire. Aujourd'hui, nous voyons que les prévisions d'Evgueni Primakov et de ses partisans se sont avérées justes.

L'équilibre mondial des forces subit des changements révolutionnaires. Cela est lié aux tendances objectives du développement de l'économie mondiale, où les positions des États du Sud global et de l'Est et de la majorité mondiale dans son ensemble se renforcent. La part des pays Brics dans le PIB mondial en parité de pouvoir d'achat atteindra environ 37% fin 2024. Elle dépasse nettement la part du G7 (30% fin 2023).

L'essor économique permet à un nombre croissant d'États non occidentaux de renforcer progressivement leur souveraineté et de mettre en pratique une politique orientée sur leurs intérêts nationaux, tant en politique étrangère qu'intérieure. Comme la Russie, ces pays plaident de plus en plus activement pour la démocratisation des relations internationales et un monde multipolaire, et deviennent de plus en plus résilients à l'ingérence extérieure.

Cela se reflète également dans la politique pratique. Cela se traduit avant tout par l'intérêt croissant pour des organisations comme l'OCS et les Brics. Je suis sûr que tout le monde a été impressionné par le sommet de Kazan, auquel ont participé des délégations de 36 pays. L'organisation a reçu plus de 30 demandes soit d'adhésion, soit d'établissement de relations spéciales. On peut dire avec certitude que le renforcement des Brics est devenu l'une des forces motrices de la formation d'un ordre mondial polycentrique, qui a à la fois des partisans fervents et des opposants et détracteurs actifs.

Tout le monde (nous le comprenons) n'est pas prêt à accepter le cours naturel des choses. La communauté occidentale, qui à son époque avait pris de l'avance à la suite d'évènements historiques connus (grandes découvertes géographiques, développement du capitalisme et création de sa prospérité largement grâce aux empires coloniaux), voudrait conserver pour toujours sa position privilégiée. Les États-Unis et les pays occidentaux qui leur sont soumis font renaître l'esprit de la guerre froide et déclarent dans leurs documents doctrinaux la nécessité d'éliminer certaines « menaces » à leur domination émanant de la Russie, de la Chine et d'autres pays menant une politique nationale indépendante.

Après le début de l'opération militaire spéciale en Ukraine, Washington et ses satellites ont lancé une véritable agression de sanctions contre la Russie dans le cadre de leur guerre hybride. Au cours des dix dernières années, plus de 21.000 sanctions ont été imposées à notre pays dans les domaines de l'économie, des finances, du commerce, des investissements, des médias, de la culture, du sport et des contacts sociaux en général.

Ces pratiques néocoloniales occidentales affectent principalement les pays en développement d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine. L'application extraterritoriale des restrictions unilatérales nuit aux États les plus pauvres, les privant d'accès aux ressources énergétiques abordables, à la nourriture, aux engrais et aux technologies de base, sans parler des avancées et développements scientifiques de pointe.

Le revers de la médaille dans cette lutte contre les indésirables est que l'Occident « scie la branche sur laquelle il est assis » et détruit le système mondial de division du travail qu'il a répandu dans le monde entier depuis le début des années 1990. Les capitales occidentales ont oublié du jour au lendemain des principes tels que la concurrence loyale, l'inviolabilité de la propriété, la présomption d'innocence et bien d'autres. Le dollar, qu'on nous a vanté pendant des décennies comme un bien commun de l'humanité, a été transformé en une arme de répression et de punition des concurrents géopolitiques et des récalcitrants. Ce faisant, ils ont essentiellement signé son arrêt de mort en tant que monnaie de réserve mondiale et moyen de paiement international. En conséquence, les États-Unis et leurs alliés démantèlent eux-mêmes le système de mondialisation qu'ils avaient cultivé et promu dans le monde entier.

Je voudrais vous rappeler les propos du Président Vladimir Poutine tenus lors du sommet de Kazan, indiquant que les Brics, en développant des plateformes de paiement alternatives et de nouveaux systèmes de règlements interbancaires, ne s'opposent pas au dollar. Les États-Unis retirent eux-mêmes le dollar de la circulation, car de plus en plus de pays commencent à craindre d'être les prochains. Personne ne sait pour quelle raison ils pourraient être punis et de quel pied se lèvera le responsable de tel ou tel département américain.

Lorsque la pression économique ne fonctionne pas et qu'il est impossible d'influencer les pays véritablement souverains, l'Occident dirigé par les États-Unis ne dédaigne pas de recourir aux menaces, au chantage, voire à l'usage de la force.

La pression par la force prend diverses formes. Après 2022, l'objectif d'infliger une « défaite stratégique » à la Russie a été proclamé. Il est révélateur que Londres et Washington nourrissaient des plans similaires dès mai 1945, lorsqu'avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, ils élaboraient l'opération Unthinkable pour détruire ou démembrer l'Union soviétique, leur allié dans la lutte contre le fascisme. Aujourd'hui, les Anglo-Saxons espèrent vaincre notre pays par le biais du régime de Kiev, tout comme Adolf Hitler l'avait fait en rassemblant la majorité des pays européens sous les bannières nazies. Comme solution de repli au cas où le régime de Vladimir Zelenski échouerait, ils préparent l'Europe continentale à se lancer dans une aventure suicidaire et à entrer dans un conflit armé direct avec la Russie.

Il est regrettable que les élites dirigeantes actuelles de nombreux pays européens ne voient manifestement pas d'avenir pour elles-mêmes dans un monde multipolaire et cherchent le salut auprès de l'hégémon d'outre-Atlantique. Le gouvernement allemand s'est honteusement résigné à la destruction humiliante des gazoducs Nord Stream au détriment des intérêts fondamentaux de l'économie et du peuple allemands. Maintenant, Berlin acquiesce lorsque les États-Unis annoncent leur décision de déployer des missiles américains de moyenne portée sur le territoire allemand. Le chancelier Olaf Scholz s'est contenté de qualifier cette décision de « bonne ».

Des propositions irresponsables sont avancées concernant des frappes avec des systèmes occidentaux à longue portée contre le territoire russe en profondeur. Je ne parlerai pas de l'absurdité même de l'idée de « faire la guerre jusqu'à la victoire » contre la Russie. Au minimum, cela réduirait drastiquement les chances des participants potentiels à une telle guerre d'avoir un quelconque rôle dans l'avenir multipolaire.

Le désespoir de la situation dans laquelle se retrouvent les élites occidentales se manifeste dans le comportement de moins en moins rationnel des États qu'elles dirigent. L'Occident (principalement les Anglo-Saxons) n'en a jamais assez. La guerre qu'ils ont déclenchée contre la Russie en Europe ne leur suffit pas. En juillet de cette année, lors du sommet de Washington, les dirigeants des pays de l'Otan ont confirmé leur prétention au rôle dominant de l'Alliance non seulement dans l'Euro-Atlantique, mais aussi dans la région Asie-Pacifique. Si l'on lit la déclaration de l'Otan, il apparaît que pour défendre le territoire de ses membres, cette alliance (je rappelle - défensive) a l'intention de mener des batailles « défensives » en mer de Chine méridionale et dans le détroit de Taïwan, à des milliers de milles de ses côtes.

Tous les observateurs sensés comprennent que c'est une « voie sans issue ». Cependant, les Américains déploient délibérément l'infrastructure militaire de l'Otan dans le Pacifique, ne cachant pas leur objectif d'accroître la pression sur la Chine, la Corée du Nord et la Russie. Simultanément, ils sapent l'architecture de sécurité et de coopération régionale axée sur l'Asean en Asie du Sud-Est, qui se construisait pendant des décennies sur la base de l'égalité, de la prise en compte des intérêts mutuels et du consensus. Pour remplacer les mécanismes ouverts créés autour de l'Asean, les États-Unis et leurs alliés établissent des alliances de « géométrie réduite », comme l'Aukus, le Quad, diverses quatuors et trios impliquant le Japon, la Corée du Sud, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Ils tentent également d'y attirer certains membres de l'Asean dans le but de démanteler cette association pour éliminer un concurrent pour les configurations pro-occidentales.

L'obsession de vouloir tout contrôler a conduit à une série de tragédies au Moyen-Orient. Cela inclut l'intervention américaine en Irak sous le faux prétexte de rechercher des armes de destruction massive inexistantes, et la destruction de l'État libyen avec des conséquences tragiques non seulement pour ce pays, mais aussi pour l'Afrique du Nord et la région du Sahel.

Cette année, un autre État membre indépendant de l'ONU, le Yémen, a subi l'agression anglo-saxonne. La République arabe syrienne ne peut toujours pas se remettre de l'intervention américaine. Les Américains ont effectivement bloqué tous les mécanismes multilatéraux visant à faciliter le règlement israélo-palestinien. Cela concerne avant tout le travail du Quartet, qui comprenait la Russie, les États-Unis, l'ONU et l'Union européenne. Aujourd'hui, Washington poursuit ses tentatives de monopoliser les efforts de médiation, organise des formats de négociation improvisés, lance de nouvelles propositions qui sont soi-disant censées mettre fin à l'effusion de sang à Gaza et au Liban. Face à une telle médiation, le nombre de victimes augmente de façon catastrophique. Ce sont principalement des civils: femmes, enfants et personnes âgées. Pendant ce temps, l'Occident s'obstine à nier les faits.

En un an d'opération israélienne, le nombre de civils palestiniens et libanais tués est deux fois plus élevé que le nombre de victimes civiles des deux côtés du conflit en Ukraine en dix ans après le coup d'État néonazi. En un an presque deux fois plus qu'en dix ans.

Quand les Américains et leurs satellites s'occupent des problèmes régionaux internationaux, ils ne pensent qu'à une chose: préserver leur position privilégiée et tout diriger. Ils prêtent peu d'attention au sort et à la vie des gens ordinaires. Mais les défis très sérieux auxquels le monde est confronté nécessitent une union d'efforts équitable, et non la soumission à ceux qui aspirent à la domination mondiale.

Au-delà des conflits armés, cela concerne aussi la nécessité d'assurer des méthodes démocratiques de réglementation juridique de l'utilisation des nouvelles technologies, y compris l'intelligence artificielle, l'adaptation au changement climatique, l'exploration conjointe de l'espace, la prévention des épidémies de maladies infectieuses, la réduction des inégalités socio-économiques et numériques, la lutte contre la faim et la pauvreté et de nombreux autres domaines dont dépend l'avenir de l'humanité.

On peut tirer une conclusion sans équivoque de nos contacts diplomatiques, y compris lors du sommet des Brics à Kazan. Les pays de la majorité mondiale considèrent clairement que la confrontation et l'hégémonisme sont nuisibles et ne résolvent aucun problème. Le Sud global et l'Est global défendent de plus en plus fort leur droit à une participation à part entière aux processus de prise de décision sur tout le spectre de la vie internationale.

À la suite de l'intensification de l'activité des pays non occidentaux en politique étrangère, le rôle des associations intergouvernementales régionales et interrégionales en Afrique, en Asie et en Amérique latine se renforce. En Eurasie, il s'agit principalement de l'OCS, de l'Asean, de l'Union économique eurasiatique, de la CEI, de l'OTSC, de la Ligue arabe et du Conseil de coopération du Golfe. Le projet chinois Nouvelle route de la soie s'inscrit dans la même lignée.

Quant à l'Afrique. Les membres de l'Union africaine veillent de plus en plus que les ressources riches du continent soient exportées vers les marchés mondiaux, non pas comme des matières premières, mais comme des produits à haute valeur ajoutée. Une telle mesure visant à mettre fin aux pratiques néocoloniales modifierait radicalement l'équilibre économique avec les pays occidentaux en faveur des Africains. Des processus similaires prennent de l'ampleur en Amérique latine et en Asie, qui joue depuis de nombreuses années le rôle de moteur de l'économie mondiale.

Un pas important sur la voie de la multipolarité devrait être l'établissement de contacts directs et de liens horizontaux entre toutes les structures d'intégration régionale, tant entre elles qu'avec les Brics, où les principaux États sont déjà représentés au niveau mondial et jouent le rôle de leader dans leurs régions. Les Brics peuvent servir de structure d'harmonisation, permettant une coordination souple des approches des associations d'intégration des États du Sud global et du Moyen-Orient.

Un autre domaine d'action est la dédollarisation du système financier et économique international. Je voudrais vous rappeler que la part des monnaies nationales dans les règlements de la Russie avec les pays de l'OCS et de l'Union économique eurasiatique a dépassé 90%, et qu'avec les pays des Brics, nous atteignons le chiffre de 65%. Et ce chiffre augmente.

La Russie continuera à jouer un rôle important dans ce processus, étant donné sa position de 4ème économie mondiale (selon le Fonds monétaire international, en parité de pouvoir d'achat) et de première puissance en matière de ressources. Le travail visant à créer de nouvelles plateformes de paiement a été lancé dans les Brics sous la présidence russe et sera poursuivi par nos successeurs brésiliens en 2025.

Certains experts prédisent non seulement le renforcement du rôle des monnaies nationales et régionales dans le commerce international, mais aussi la formation de plusieurs macro-régions avec leurs propres standards, réglementations et chaînes de valeur dans des conditions où, en raison des actions égoïstes des États-Unis, le système autrefois global se fragmente rapidement.

La confiance dans le dollar chute rapidement. Quelle que soit l'évolution des évènements, nous continuerons à renforcer les mécanismes de l'Union économique eurasiatique et de l'OCS et à nouer des liens avec les membres d'autres structures d'intégration sur le continent eurasien et dans d'autres parties du monde, ouvrant ainsi de nouveaux horizons pour une coopération mutuellement bénéfique et égale. Elle apporte des dividendes à tous les participants sans exception.

Dans ce contexte, nous continuerons à promouvoir le concept du grand partenariat eurasien. Sa formation permettra de créer une base matérielle pour la mise en œuvre d'une autre initiative du président russe Vladimir Poutine visant à construire une architecture de sécurité égale et indivisible en Eurasie, ouverte à tous les États et associations de notre continent, sans exception, qui sont prêts à travailler ensemble pour trouver des solutions généralement acceptables. La Conférence internationale très productive sur la sécurité eurasienne, qui s'est tenue récemment à Minsk avec la participation de nombreux pays, associations et délégations eurasiennes de toutes les régions du continent, y compris d'Europe occidentale, a été spécifiquement consacrée à ce sujet.

Nous voulons que les pays du continent eurasien - le plus grand, le plus dynamique et le plus riche en ressources naturelles - déterminent leur propre destin sans ingérence extérieure et résolvent leurs problèmes de manière à ce que la Grande Eurasie apporte sa contribution à la construction d'un monde multipolaire durable.

Je voudrais souligner que nous ne rompons pas le dialogue avec l'Occident. Mais nous tirerons les conclusions nécessaires de la façon dont nos voisins occidentaux ont renoncé en un jour à leurs promesses, obligations et accords avec nous, de quelle manière ils l'ont fait et comment ils ont sapé leur crédibilité. Si et quand ils seront prêts à reprendre les contacts, construire des relations sur les principes de respect mutuel et d'un équilibre honnête des intérêts, alors nous déciderons comment traiter ces propositions sur la base de nos intérêts nationaux, et non des désirs que nous entendons périodiquement des capitales occidentales.

En juillet 2024, sous notre présidence au Conseil de sécurité de l'ONU, des débats ouverts ont eu lieu sur les principes de la coexistence des États dans un monde multipolaire. Nous avons proposé un certain nombre de mesures concrètes visant à rétablir la confiance et à stabiliser la situation internationale. Nous poursuivrons ce dialogue sur d'autres plateformes multilatérales, notamment ce mois-ci à Rio de Janeiro lors du sommet du G20.

Jusqu'à présent, au niveau intergouvernemental et officiel, la conversation avance difficilement. L'Occident tente toujours de tirer profit des avantages unilatéraux, sans dédaigner aucun moyen, y compris, je le souligne avec un regret particulier, la privatisation des secrétariats des organisations internationales. Cela se manifeste clairement dans les activités de l'OSCE et dans le travail du Secrétariat de l'ONU, où, à cause de critères obsolètes et inefficaces de la formation du Secrétariat, existe une domination des représentants occidentaux dans tous les départements clés de cette structure respectée. Malheureusement, les dirigeants de l'OSCE et du Secrétariat de l'ONU commencent à jouer dans l'intérêt de l'Occident.

En chemin, j'ai lu un communiqué de RIA Novosti sur la déclaration du porte-parole du secrétaire général de l'ONU lors de la conférence de presse. Répondant à la question de savoir ce que pense le secrétaire général des informations sur les projets de la Russie et de la Chine dans le domaine militaire, il a déclaré que ces rapports suscitaient une profonde préoccupation chez le secrétaire général, car ils conduisent à l'internationalisation de la crise ukrainienne. C'est pourquoi le Secrétaire général prône fermement et résolument que le conflit ukrainien soit résolu sur la base de la Charte des Nations unies, du droit international et des résolutions de l'Assemblée générale.

À cet égard, j'ai deux commentaires. Premièrement, le secrétaire général a évoqué l'internationalisation de la crise trois ans après que l'Occident a préparé l'Ukraine à la guerre et la dirige directement sur le terrain

Les faits ont été présentés à maintes reprises et depuis longtemps. Mais à l'époque les dirigeants du Secrétariat de l'ONU ne s'inquiétaient pas de l'internationalisation.

Deuxièmement, nous voulons tous être guidés par la Charte des Nations unies (comme le demande le Secrétaire général) et les résolutions de l'Assemblée générale. Je voudrais vous rappeler que lorsque l'Occident, avec le plein soutien du Secrétariat de l'Organisation mondiale, exige le retour de l'Ukraine aux frontières de 1991, il se réfère également au principe de la Charte sur le respect de l'intégrité territoriale de tous les États et à une série de résolutions qui ont été adoptées par vote, avec une division parmi les membres de l'ONU, à l'Assemblée générale en soutien aux appels ukrainiens à la restauration de l'intégrité territoriale. Tout semble correspondre. Une telle disposition existe dans la Charte et dans la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies. Une partie de la vérité est pire que le mensonge. La Charte, avant de mentionner l'intégrité territoriale, reconnaît le droit d'une nation à l'autodétermination, qui a servi de base au plus grand processus de décolonisation de l'histoire récente. C'est le droit d'une nation à l'autodétermination.

Parmi les résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies (bien avant les évènements ukrainiens) de 1970, une Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations unies a été adoptée par consensus, qui stipule que chacun est tenu de respecter l'intégrité territoriale des États qui respectent le droit d'une nation à l'autodétermination et, à ce titre, ont des gouvernements représentant l'ensemble de la population vivant sur un territoire donné. Il s'agissait d'une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies. Contrairement à celles qui ont été introduites de manière provocatrice après le début de l'opération militaire spéciale et votées (environ un tiers des membres de l'ONU ne les ont pas soutenues, et dans certains cas - la moitié), la Déclaration que j'ai citée a été adoptée par consensus.

Les putschistes, qui ont effectué un coup d'État en violation des accords avec les autorités légitimes en février 2014 et ont pris par la force les institutions gouvernementales, ont déclaré comme premier objectif l'élimination du statut de la langue russe en Ukraine et ont annoncé une marche vers Crimée des combattants qui s'y rendaient sur des « trains de l'amitié » ayant pour but de prendre d'assaut le bâtiment du Conseil suprême. Ces personnes représentaient-elles la population de Crimée, du Donbass et de la Nouvelle-Russie? Bien sûr que non.

Le secrétaire général de l'ONU doit dire à son porte-parole de présenter et d'interpréter plus clairement le droit international du Secrétariat de l'ONU.

La Charte des Nations unies doit être lue dans son intégralité, et pas seulement dans la partie que vous souhaitez absolument souligner dans ce conflit d'aujourd'hui.

En 2008, les pays occidentaux ont déclaré le Kosovo indépendant. En Occident, personne n'en a même discuté. La Cour internationale de Justice a déclaré dans sa conclusion (le président russe Vladimir Poutine en parle souvent) que si une partie de l'État décidait unilatéralement de déclarer son indépendance, le consentement des autorités centrales était inutile.

Même en faisant abstraction de cela. Le premier article de la Charte des Nations unies (il est impossible de l'ignorer si vous lisez sérieusement ce document) stipule que chacun doit respecter les droits de toute personne, sans distinction de race, de sexe, de langue et de religion. Il s'agit de la Charte des Nations unies, auquel le secrétaire général Antonio Guterres se réfère dans le cadre du conflit ukrainien. Je n'ai entendu aucun commentaire de la part de son porte-parole concernant l'extermination législative de la langue russe en Ukraine dans tous les domaines de la vie - dans l'éducation, la culture, les médias et dans la vie quotidienne. Je n'ai pas non plus entendu une seule déclaration concernant la loi récemment adoptée sur la suppression de l'Église orthodoxe ukrainienne canonique. Tout cela (tant la langue que la religion), selon la Charte des Nations unies, doit être sacrément respecté. Le secrétaire général Antonio Guterres est le principal défenseur de la mise en œuvre de la Charte.

On pose souvent une question: quelle sera la base juridique internationale de la multipolarité? Il n'est pas nécessaire de rechercher de nouveaux principes. Tous ces éléments figurent dans la Charte des Nations unies. Le problème est que nos partenaires occidentaux n'ont jamais pleinement respecté ces principes. Je voudrais vous rappeler que le principe clé de la Charte stipule: l'ONU est fondée sur l'égalité souveraine des États. Revoyez dans votre esprit l'histoire de divers conflits et crises après la création de l'ONU. Dans aucun d'entre eux, ni les États-Unis ni leurs alliés occidentaux n'étaient guidés par le principe de l'égalité souveraine des États, ni ne respectaient quiconque en tant que partenaire ayant des droits égaux.

Nous considérons comme une grande réussite le fait que la Déclaration, approuvée à l'unanimité par les dirigeants des Brics au sommet des Brics à Kazan, affirme (et notamment en relation avec la crise ukrainienne) la nécessité de respecter les objectifs et les principes de la Charte des Nations unies dans leur intégralité et leur interconnexion, et non de manière sélective, chose que nous, malheureusement, voyons maintenant.

Aujourd'hui, à une époque des changements rapides, nous souhaitons que les scientifiques, les penseurs, les futurologues et (comme on dit) visionnaires ayant une imagination riche et une pensée non standard, essayent de regarder au-delà de l'horizon et contribuent à la compréhension des processus actuels, en prévoyant et modélisant de nouvelles formes de vie internationale qui répondront aux nouvelles réalités et qui, à mon avis, devraient être fondées sur les principes immuables de la Charte des Nations unies. S'ils ne sont pas respectés, ce n'est pas parce qu'ils sont mauvais ou injustes. Ils sont justes. C'est pourquoi l'Occident ne veut pas les mettre en œuvre.

La justice n'est pas une caractéristique du système mondial qu'il a créé et qu'il voudrait préserver malgré les tendances historiques objectives de renforcement de la multipolarité.

Nous pensons que dans un tel travail, il est important de partir de faits et d'une analyse sobre, mais en même temps d'être audacieux et courageux dans la formulation d'idées qui constitueront ensuite la base de l'image souhaitée du futur. C'est de cela que vous êtes invités à parler ici.

La Russie est prête à faire partie du groupe des pays qui feront preuve de leadership intellectuel. L'ensemble de l'expérience millénaire de l'État et les réalisations de notre État, qui seront présentées au Centre national Russie, devraient constituer une puissante motivation pour l'activité créatrice de notre société civile. Si une telle activité existe (elle apparaît toujours dans les moments cruciaux), alors je vous assure que les diplomates seront vos alliés les plus fiables.

Et pour conclure. Votre forum s'appelle de science-fiction. Je suis convaincu que son caractère scientifique est garanti par la haute qualité et la réputation des experts venus de nombreux pays. Quant à la dimension fantastique de votre ordre du jour, les discussions ici donneront certainement matière à réfléchir aux hommes politiques en exercice.

Voulant contribuer à la recherche d'histoires fantastiques, j'oserais vous inviter à réfléchir sur quand et si l'Occident reviendra à la raison et quand sa conscience s'éveillera. Un tel sujet à mon avis, serait intéressant. Quand l'Occident (il y a encore beaucoup de gens intelligents là-bas) comprendra-t-il que les habitudes néocoloniales sont néfastes, y compris pour l'Occident lui-même, que l'arrogance détruit sa réputation. Souvenons-nous du Haut Représentant de l'UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell: L'Europe est un « jardin fleuri » entouré d'une « jungle ». Ou encore le secrétaire d'État américain Antony Blinken: « Tous ceux qui ne sont pas à la table de la démocratie seront au menu. » Ceci est une citation. J'ai été horrifié quand j'ai lu ceci.

Je vous invite également à imaginer ce que devraient faire les pays de la majorité mondiale pour accélérer le processus de retour à la raison de nos collègues occidentaux qui, y compris pour le bien de l'avenir de leurs peuples, doivent comprendre qu'ils doivent se comporter décemment.

Source:  mid.ru id.ru/fr/foreign_policy/news/1979085

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